lundi 30 septembre 2013

Fabien Gilot " Je ne veux pas être le maillon faible "


Après les mondiaux de Barcelone, le nageur français Fabien Gilot se donne encore trois ans pour décrocher un titre individuel. Mais sa priorité reste le relais tricolore, là où il se sent le mieux, comme un poisson dans l'eau. 




Il n'est pas le plus beau, ni le plus fort, ni le plus connu des nageurs français. Et pourtant, Fabien Gilot est un sportif sur lequel on peut compter. Depuis une dizaine d'années, il fait partie des compétiteurs les plus réguliers, aux côtés de Jérémy Stravius. Cet été, il a éclaboussé les mondiaux de Barcelone de par des temps records et sa confrontation historique avec le sprinter James Magnussen avec les relais. S'il peine individuellement, Gilot ne se tracasse pas : l'équipe, ça le motive, ça le transcende. Un état d'esprit collectif qu'il a façonné dès son plus jeune âge, quand il a attaqué... le water-polo. C'était pour promouvoir cette discipline, mais également pour rendre hommage à Pierre Viers, champion du monde 2013 sur 100 m brasse en Afrique du Sud, qu'il était de passage dans le Cantal il y a quelques semaines.
 Le 28 juillet dernier à Barcelone, avec Yannick Agniel, Florent Manaudou et Jérémy Stravius, vous devenez champion du monde du relais 4x100 m nage libre. Et vous vous payez même le luxe de réaliser le meilleur temps de la finale en 46 s 90. L'équipe, ça vous transcende ?

Fabien Gilot : Je pense que y'a un peu de ça c'est sûr. Tu ne veux pas être le maillon faible du relais forcément. Et après, moi, j'aime le relais. Je viens du collectif, j'ai commencé par un sport co, le water-polo, et j'ai eu de la chance de pouvoir continuer là dedans en faisant un sport individuel. C'est un peu contradictoire mais c'est ce qui me plaît.
 
Vous avez un tatouage en hébreu sur le bras qui signifie : "Je ne suis rien sans les autres". La notion d'équipe a toujours été très importante pour vous ?

Moi aujourd'hui, j'aurai du mal sans émulation, sans un staff autour, sans l'équipe que je connais pour travailler au quotidien. S'entraîner tout seul, c'est difficile, c'est vraiment quelque chose de particulier.
 
Après Barcelone et vos deux titres mondiaux, quels sont vos prochains objectifs ?

Au mois de décembre, on a le
s championnats d'Europe en petit bassin au Danemark. L'objectif sera de ramener le titre en individuel. J'avais été vice-champion d'Europe il y a deux ans, vice-champion du monde en petit bassin sur 100 mètres en individuel. Il faudra que j'essaye d'aller chercher ce titre que je n'ai pas décroché encore en petit bassin et continuer à gagner avec les relais.

 
Ça vous manque un titre en individuel ?

C'est-à-dire que plus tu avances plus tu connais le sport de haut niveau. Y'a des gens qui naissent avec un peu plus de talent que toi... Alors où tu arrives à les faire chavirer le jour J ou alors... Michael Phelps, il a travaillé très dur mais il n'a pas travaillé plus dur qu'une cinquantaine d'autres nageurs dans le monde. Il est juste né avec ce petit talent en plus qui fait que c'est Michael Phelps. Bien sûr, si je continue encore trois ans, c'est pour aller chercher des courses en individuel également mais dans le monde du sport du haut niveau français, olympique et dans le monde de la natation mondiale, les gens nous connaissent et nous montrent du respect. Ça fait dix ans que je suis au plus haut niveau, ça fait dix ans que je ramène au moins une médaille internationale tous les ans donc les gens ont du respect par rapport à ce que ça peut représenter.
 
Vous vous êtes fixé cette date butoir de trois ans ?

Dans trois ans, ce sera ma quatrième olympiade, et si je décroche une médaille olympique de nouveau, je serai le premier nageur français à décrocher trois médailles olympiques sur trois olympiades différentes. Ça n'a jamais été fait encore.
 
Et après ?

Et après, j'arrêterai. Je penserai à ma reconversion. Je termine cet hiver un Master en management. Je rentre au Conseil économique social marseillais pour essayer de faire avancer un peu la ville. Après, rester autour du sport, c'est une certitude. J'ai certains sponsors qui sont intéressés, on verra... Rester autour du sport, ça c'est sûr et certain. Probablement travailler avec le CNOSF ou le CIO un petit peu. Après, y'a trois, quatre ans encore avant que j'arrête, donc j'ai le temps de voir venir, ce ne sera peut-être pas forcément la même chose dans trois ans.
 
L'étranger, ça ne vous a jamais tenté, comme certains de vos collègues, Yannick Agniel, Frédéric Bousquet, qui sont partis aux États-Unis ? 

Je suis licencié à Marseille mais on s'entraîne énormément à l'étranger. On fait beaucoup de stages où on va travailler avec les gens qu'on aime bien, surtout aux États-Unis, avec les sprinters américains. Et inversement, cette année, ils étaient venus s'entraîner avec nous à Marseille, Nathan Adrian, Tony Irvine. Donc beaucoup d'échanges en fait. Quand je suis arrivé à Marseille il y a huit ans maintenant, c'est le moment où la natation française a redécollé, où on a instauré cette nouvelle méthode de travail entre guillemets où à l'époque, être nageur, c'est faire des longueurs, des kilomètres et des kilomètres qui servaient, à mon goût, à rien. Quand tu passes trop dans le volume tu perds le qualitatif et nous, on a énormément raccourci les kilométrages, quasiment de moitié, pour travailler plus en dehors de l'eau : salle de muscu, développement athlétique, développement physique, du vélo, courir, des séances de préparation physique sur le sable,... Donc au début ça a fait rigoler, parce que quand tu es nageur, tu es sensé nager... C'était une méthode qui existait aux Etats-Unis depuis déjà pratiquement dix ans et qu'on a essayé en nous entraînant là-bas. Et ça m'a plu justement ce côté un peu chauvin, de réussir dans ce pays de sprinters, de se transformer physiquement. Et aujourd'hui on se rend compte que tous les pôles France et tous les grands nageurs français que vous pouvez connaître qui réussissent, ont cette méthode de travail. Donc content d'avoir été les pionniers de cette méthode en France.
 

Ça vous a permis de revenir à votre niveau après vos blessures ?

J'ai connu des blessures forcément, au dos, fracture au dos à la troisième lombaire où j'ai failli me retrouvé handicapé en faisant le con ; en septembre je me suis fait opérer de l'épaule donc j'ai eu cinq mois d'arrêt... Cinq mois d'arrêt c'est long à regarder les autres nager. Atteindre le haut niveau, ça demande énormément de sacrifices, faut se poser énormément de questions, ta vie est dirigée par la natation. C'est-à-dire faire des sacrifices sur la famille, les amis, tes loisirs, le réveil, la montre en fait. C'est la natation qui dirige ta vie vraiment : je me couche à telle heure, je me lève à telle heure, il faut que je mange ça... Si tu veux vraiment réussir dans le haut niveau, il faut accepter ces sacrifices que tu as l'impression de faire. C'est une chose normale pour avoir une chance de réussir. Ne serait-ce que juste avoir une chance de réussir. C'est ce qui fait pour moi la particularité des grands champions, c'est cette petite touche un petit peu particulière que les sportifs de haut niveau ont. Ne jamais abandonner tout simplement, peut importe ce que tu rencontres dans la vie, ne jamais abandonner. Et c'est pour ça que ce sport est si beau, c'est une école de la vie.

Vous êtes aujourd'hui aux côtés d'un autre champion du monde de la natation, Pierre Viers (à gauche sur la photo), qui revient d'Afrique du Sud multi-titré. Vous saviez que les championnats du monde des transplantés existaient ?

Je découvre. Je suivais les paralympiques depuis quelques années déjà mais je ne savais pas que y'avait les championnats du monde des transplantés. J'apprends quelque chose aujourd'hui et désormais je suivrais mieux. Mais ce qui est intéressant, c'est de se rencontrer et tu te rends compte qu'on tient les mêmes discours, que y'a des échanges qui sont très intéressants, qui peuvent être constructifs pour l'un et pour l'autre. La gestion en amont de l'événement, le stress sur le jour J. Ce qui fait la performance le jour J, c'est pas juste l'état physique, y'a tellement de choses qui entrent en compte. Et de côtoyer des sportifs de haut niveau, d'échanger sur leur préparation au quotidien, qu'est-ce qu'ils font dans l'année, comment se gère la semaine de compétition, c'est toujours enrichissant et on en retire souvent du bon.
 
Avec Pierre Viers, on parle d'un titre de champion du monde, d'une médaille de vice-champion du monde, d'une troisième place, d'une quatrième place. Un titre de champion du monde ça reste un titre de champion du monde. C'est toujours des années particulières, des compétitions particulières, donc que tu ne peux que avoir du respect. Un titre planétaire, ça veut dire que y'a personne au monde qui n'a été plus vite que toi dans ta discipline. On est un petit nombre à pouvoir prétendre avoir fait ça dans notre vie.
 
Ça vous tiendrait à coeur qu'une catégorie aux Jeux olympiques soit pour les transplantés, comme pour les paralympiques ?

Je trouve que ce serait logique. Les paralympiques ont mis du temps à éclore, aujourd'hui on se rend compte qu'on en parle sur les années olympiques pratiquement autant que les Jeux olympiques classiques et c'est une très bonne chose. Après, comme toute chose à mettre en place, ça prend du temps mais pour moi ce serait logique qu'il y ait une catégorie de transplantés aux Jeux olympiques ou sur les championnats du monde auxquels on participe.
 
À quand des vacances ?

On ne prend jamais plus de trois à quatre semaines de vacances sinon ça prend trop de temps à remettre le corps en marche. Le feeling avec l'eau pour l'apprivoiser, ça prend des années et il ne faut pas perdre ce que tu as trouvé.
source : lepetitjournal.com

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