dimanche 10 février 2013

La nouvelle vie d'Alain Bernard chez Arena.


Dents blanches acérées, gueule grande ouverte, bonnet de bain vissé sur la tête et bras levés au ciel. Cette image d'Alain Bernard aura fait le tour de la planète. Ce mercredi 6 février à Sarcelles (Val-d'Oise), lorsque l'ancien nageur passe à côté de sa photo grand format, on peine à associer le jeune retraité posé qu'il est devenu et le requin des lignes qu'il fut au sommet d'une carrière exceptionnelle terminée dans le quasi-anonymat un après-midi de juillet en Grande-Bretagne.




Non qualifié pour les Jeux de Londres dans les épreuves individuelles du 100 m et 50 m, l'Antibois avait décroché une ultime pige pour l'équipe de France sur le 4 × 100 mètre nage libre. Deuxième relais de la demi-finale après Amaury Leveaux, c'est lui qui avait ramené les Bleus en tête de la course et aidé à les qualifier pour la finale remportée quelques jours après. Sachant pertinemment qu'il s'agissait là de sa "der des der", il se souvient comme hier de l'instant précis où sa carrière s'est achevée. "Je m'y étais préparé. J'avais le sentiment à ce moment-là d'avoirfait mon temps. Mes entraîneurs Christian [Donzé] et Lionel [Horter] nous ont dit, à Jérémy [Stravius] et moi, que ce n'allait pas être nous en finale. A ce moment précis, j'ai senti que c'était fini. J'ai encore cette image de sortir du bassin de récupération de Londres et de me dire : c'est la dernière fois que je sors de l'eau en tant que nageur de haut niveau."
"MON CV SANS MON NOM NE VAUT RIEN"
Une page se tourne, une autre s'écrit. Six mois plus tard, changement d'ambiance et de décors. A Sarcelles, l'ex-champion a troqué son maillot et son képi (jusqu'en décembre dernier, il était encore sous contrat avec la gendarmerie nationale), pourredevenir ambassadeur de la marque Arena. Un contrat de deux ans signé avec l'équipementier français. Au programme de cette journée publicitaire sous l'égide "Swim Arena Academy", Alain Bernard va conseiller quarante jeunes nageurs de la région. Une campagne qu'il répétera à Montpellier, Rennes, Nice et Amiens. De quoi l'occuper pendant cette période d'après carrière "difficile à gérer""Il y a six mois de ça, je n'avais pas d'offres dans mon agenda, avoue-t-il la gorge un peu serrée. Mon agent me disait de ne pas m'inquiéter parce que j'avais deux sponsors [EDF et Homair Vacances] qui continuaient de me soutenir. Mais, comme tout le monde, j'avais besoin de stabilité. Maintenant, je travaille pour Arena et Eurosport et c'est très bien. La grosse interrogation, c'est dans cinq ans. J'aimerais gagner ma vie convenablement, mais je n'ai pas de diplôme à part une expérience sportive extrêmement riche. Si je dois faire un CV et si on enlève mon nom, il ne vaut rien. Je me laisse deux ans avant de vraiment me concentrer sur mon véritable métier qui occupera mes prochaines années."


Alain Bernard supervisant 40 jeunes nageurs à Sarcelles, le 6 février.

Depuis son retrait des bassins, le géant au sourire de grand enfant en a en tout cas terminé avec les entraînements aux cadences infernales, où il avalait jusqu'à 14 kilomètres par jour entrecoupés de sessions de musculation. Ses résolutions pour 2013 ? "Nager au moins une ou deux fois par semaine, mais surtout faired'autres activités plus ludiques. J'ai encore un rapport avec la compétition un peu trop présent à mon goût et je ne peux pas m'empêcher de regarder le chrono quand je nage, et je suis vite déçu ! En quelques mois, c'est impressionnant, la vitesse où ça s'en va... J'ai un emploi du temps assez souple, donc je peux mepermettre d'aller nager à 11 heures du matin quand il y a du soleil. C'est plus entraînant qu'y aller à 7 heures du matin sous la pluie, comme le font certains de mes collègues. "
Pour eux, il ne cesse d'avoir une pensée. Ceux qui réussissent mais surtout ceux qui galèrent. Sa compagne Coralie Balmy a beau avoir remporté le bronze du relais 4 × 200 m nage libre, aucun nouveau sponsor n'est venu frapper à sa porte. Comme pour d'autres médaillés de Londres, les contrats sont devenus une denrée rare pour les athlètes des sports moins médiatisés en dehors des JO."Gagner une médaille aux Jeux n'est pas anodin, explique-t-il, sous-entendant les sacrifices et les privations nécessaires pour en arriver là. Ça reflète ce qu'il se passe dans tous les sports olympiques. Soit on gagne et on arrive à attirer cinq sponsors, soit on est deuxième, troisième ou pire et on va avoir un contrat ponctuel ou rien du tout. Tout est basé sur l'image et la communication. Si, en dehors de la victoire, on n'a pas un comportement atypique ou qu'on sort pas du moule, on n'intéresse pas les gens. C'est triste, mais c'est un constat."


Séance d'entraînement pour les nageurs et leurs coachs, le 6 février à Sarcelles.

La frilosité des sponsors n'est pas le seul sujet qui le préoccupe. Alors que la Fédération française de natation (FFN) attend toujours un feu vert politique pour le programme de piscine olympique à Aubervilliers, lui n'attend rien de ce projet. "On l'a soutenu de manière un peu obligatoire, reconnaît-il aujourd'hui. La FFN le soutenait car, c'est vrai, on a besoin d'une vitrine de cette envergure en France. Quand bien même ce projet pharaonique voit le jour, ça ne nous aidera pas àmaintenir le niveau de la France sur la scène internationale. Tous les nageurs français viennent des clubs de proximité. C'est seulement ensuite qu'ils vont dans des clubs mieux équipés. Ce qui serait utile, ce sont des bassins qui correspondent aux besoins de ces nageurs de haut niveau. A Antibes, on doit aménager des créneaux d'entraînement entre les nageurs, les monopalmes, les groupes de sprint, de demi-fond, les loisirs, le triathlon... On se rend compte que c'est un véritable casse-tête de s'entraîner chez soi. On a un système de formation qui est bon, mais, à un certain niveau, on ne peut plus rivaliser parce que nos infrastructures ne sont pas à la hauteur de nos prétentions."
A la fin de l'entretien, Alain Bernard se plie à son nouveau train-train quotidien. Le nageur a toujours la cote chez les jeunes, "moins les plus jeunes parce qu'ils étaient trop petits pour se souvenir de Pékin." Qu'importe, les gradins sont pleins de curieux contents de l'immortaliser au bord de la piscine où ils passent leur dimanche. Pour ce qui est de son rôle de conseiller-entraîneur provisoire pour nageurs en culottes courtes, il faudra revenir"Aujourd'hui, transmettrepartager, c'est vraiment devenu primordial. Mais je ne remplace pas leur entraîneur, et je ne me vois pas devenir entraîneur moi-même." Répéter les instructions et faire la discipline n'est pas vraiment son truc.

source : le monde

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